Eh non, Monsieur Karl, il ne faut pas être si intransigeant ! Nous n’y étions pas, mais nous avons nos raisons.

Personnellement, je n’ai pas réussi à travailler moins pour mon examen, et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Embrasser l’entièreté d’une vie humaine, de l’état de foetus à la mort… il y avait de quoi faire.

J’essaierai de pointer le bout de mon nez la prochaine fois, si je ne suis pas trop timide à l’idée de me faire dévorer par tant de blogueurs ; car les raisons d’Hoëdic, elles, sont reconduisibles de mois en mois…

En le voyant nager ce soir, je n’ai pu m’empêcher de penser que mon Hoëdic est un papillon. Un papillon qui, de la douceur de ses mains et du bout de ses dix doigts, a caressé mes mains et pénétré mon coeur. Il s’y est posé si délicatement, virevoltant légèrement, que je n’ai rien senti venir. Et ma vie s’en est trouvée profondément bouleversée.

J’ai la sensation de vivre enfin depuis qu’on se connaît. De m’épanouir et m’ouvrir comme une fleur au soleil. De ne plus avoir à attendre demain, à attendre mieux, à attendre plus grand. Mon kinesthésique Hoëdic, qui m’a aussi ouverte à une toute nouvelle relation au monde, par le sens du toucher…

J’ai l’impression d’avoir toujours 16 ans, malgré les anniversaires qui s’accumulent depuis.

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Je me rappelle un autre mois d’octobre, il y a de cela quatre ans, où Hoëdic est débarqué de France sans prévenir. Le temps d’un week-end. J’ai rarement vécu magie si enivrante. Un week-end intemporel à vivre l’un pour l’autre, dans ma chambre, à rattraper le temps perdu. Pardon maman, ce n’était pas très poli…

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Mon île est aussi un papillon aquatique, avec au fond de lui la mer au grand complet, et des voiliers, et des dauphins, et des rivages lointains. Son monde intérieur me fait toujours chavirer, moi la petite Québécoise si proche de la terre qui, tout au plus, ai toujours eu le sentiment inconscient de devoir vivre près d’un cours d’eau me reliant à la mer…

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Etolane, demoiselle inspirante à la verve contagieuse, voilà un pan du voile de l’amour soulevé chez moi :)

[…]
Comme chaque soir je te raconte
L’histoire des larmes de rue
Dans les bars qui puent les regards moisis
Et les corps meurtris
Allô Paris tout est fini
Et putain Je suis fatigué
J’aurais voulu quelque chose de bien
J’aurais voulu que tu me dises viens
Allô Paris tout est fini
Tu m’as tout pris même l’envie
Tu ne te souviens plus de rien
Tu oublies un peu plus chaque matin
Ta mémoire coule le long des trottoirs
En noyant mon désir dérisoire
[…]

Laurent de Navire.net est de retour après quelques semaines de navigation sur le Belem. Bien belle expérience que voilà. De son récit de retour à terre, je retiendrais surtout cette petite phrase

*Revoir ces images surnaturelles des dauphins jouant à l'étrave en pleine nuit, leurs silhouettes phosphorescentes de plancton nous accompagnant comme des fantômes.*

Tous les récits de navigations sont les mêmes et ces silhouettes de dauphins, je les ai également vues et sont gravées en moi comme l’une des plus belles expériences de ma vie.

La nuit, sur un bateau, on devient complètement aveugle, les yeux ne servent plus à rien. Une lueur droit devant, est-elle proche, est-elle éloignée ? Impossible de savoir, tous les repères s’effacent. Seules restent les étoiles qui nous servent de guide avec le compas.

En plein quart, en pleine nuit, tout prend une nouvelle dimension, surtout les bruits. Le clapot contre la coque, les drisses contre le mât, les grincements du bateau, tous ces bruits qui passent inaperçus de jour, alors que toute notre attention est focalisée sur la vue, deviennent omniprésent la nuit. Ça en fait même peur ; ce bruit, est-il normal ? C’est bizarre, je pense ne jamais l’avoir entendu. Pourtant il est toujours présent, mais on ne l’entend pas.

Parmi tous ces bruits inhabituels, les premiers quarts de nuits en pleine mer ont été pour moi teintés d’anxiété : la toile est-elle correctement réglée ? Quel est ce bruit ? Comment être certain qu’il n’y a rien devant ? C’est dans cet état d’esprit que j’ai pour la première fois découvert cet étrange phénomène de photo-plancton. Pour la première fois depuis un certain temps, nous avancions au moteur faute de vent, et me retournant vers l’arrière j’ai aperçu une lumière, ou plutôt une lueur sombre, à peine perceptible au début, verdâtre, en forme de cône qui de toute évidence prenait sa source sous la poupe, au niveau de l’hélice, et s’élargissait derrière nous en faiblissant. Sans dire que c’est apeurant, ça renvoie tout de même à la crainte de ce qui se trouve en-dessous de nous. Ensuite cette couleur, la faiblesse de la lueur, n’en fini pas de fasciner.

Quelques jours plus tard, alors que j’étais sur le point de terminer mon quart, un je-ne-sais-quoi a attiré mon attention sur ma gauche, suffisamment pour que je quitte la barre et aille voir de plus près. C’est alors que j’ai distingué très clairement cette lueur verte dans l’eau, plus nettement que précédemment et non sous forme de cône mais comme deux trainées, deux courbes qui s’enlaçaient, un peu comme l’hélice d’un filament d’ADN et qui passaient le long du bateau, deux dauphins qui jouaient avec l’étrave.

Alors que l’instant d’avant je voyais arriver avec plaisir la fin de mon quart pour aller me blottir dans ma couchette, j’ai dépassé d’un bon vingts minutes mon heure, et avec grand plaisir.

Des dauphins, des requins, des espadons et même des globicéphales, j’ai eu l’occasion d’en voir en certain nombre, mais la forme que revêtent ces dauphins la nuit est purement magique et en tous points inoubliable.

Maintenant que je vis à Montréal, la Méditérranée, les côtes portugaises, le Golfe de Gascogne, la Bretagne sud, les veillées en mouillage forain ou dans un port inconnu, tout ceci est bien loin. Certes, la navigation est possible dans le Saint-Laurent, des voiliers cabotent à la hauteur de Québec ou de Charlevoix. Et même sans parler de bateau, j’ai des voiles dans la cave, il me suffirait de peu pour acheter une planche et de retrouver les plaisirs de l’eau, de la navigation à la voile.

Pourtant je ne me sens plus le courage de le faire, trop d’autres choses à faire avant et aussi la sensation que tout ceci est du passé.

Eh oui, premier vrai week-end à moi depuis la rentrée, sans APP à faire (ce qui est invariablement sans fin).

Alors on se venge comme on peut… Deux films vus au ciné en deux jours, et là on va aller respirer les couleurs sur la montagne au milieu de la ville.

Le premier film, Lost in Translation, m’a bien plu sur le coup, les personnages sont sympas et l’histoire est agréable. Ça repose et ça change du quotidien. Le Japon est toujours un endroit aussi fascinant. Bien qu’ici, on ait une décevante impression de rester à la surface des choses, au niveau des stéréotypes et des clichés. En fin de compte, on sort de la salle mis en appétit et sur notre faim, mais non rassasié. Il ne s’est pas passé grand-chose, on n’a pas assez remué en profondeur. Un peu dommage.

Le second, Père et fils, est un film français se déroulant principalement au Québec. Il fallait donc bien sûr aller le voir ! Surtout avec un monument du cinéma français tel que Philippe Noiret (dont j’ai manqué récemment la récitation des Contemplations) et le rigolo et tout frisé Charles Berling (que l’on vient juste de voir au théâtre dans Hamlet). C’était une bonne comédie dans la tradition française de la chose (il faut aimer quoi). Personnellement, j’adore, alors je me suis bien “bidonnée”. Pourtant, je ne suis pas certaine que la vision du Québec qui s’y trouve véhiculée soit très juste et avantageuse (un fou, un violent, une rabouteuse, un gros profiteur, un pharmacien juif - quelle belle brochette représentative)… Enfin, on est là pour apprécier l’humour. Et il faut vraiment voir Noiret sur grand écran - une telle expressivité communicative est remarquable !