Hier soir, tout le monde était là (chose rare), chez S, pour souhaiter un bon départ à L. Il nous quitte pour 4 mois au cours desquels il va d’abord aller vadrouiller en Turquie et en Russie, avant d’aller étudier l’histoire à Oxford. Bon voyage et bon séjour en Angleterre !

Nos nouveaux voisins ont aménagé bruyamment, comme il se doit, à côté de chez nous. Je ne suis pas misanthrope, mais il m’arrive de m’énerver sérieusement contre le genre humain, quand celui-ci habite tellement proche que je partage en fait son quotidien.

Nous étions heureux, à minuit et demi, d’apprendre de la vive voix de ceux avec qui nous partageons le mur de notre chambre, qu’ils aiment bien leur nouvelle cuisine.

Cette unique phrase nous en révèle long sur les nouveaux habitants : ce sont des “nous”, ils parlent français et il y a une fille. Ce fut donc très instructif quant à la trame sonore non sollicitée à laquelle je vais avoir droit pour les prochains mois, tout au long de mes longues soirées étude et de mes nuits.

Ça a l’avantage de nous changer du couple précédent, parlant anglais/espagnol, avec le niveau de bruit (méditerranéen) qui va avec, ainsi que les talons et les invités.

Pas facile de mettre la main sur l’appart parfait. Il y a en effet dans cette ville un sérieux problème de qualité : murs-carton-pâte, fenêtres-passoires et autres sont légion. Nous avons longuement cherché mieux, au printemps dernier ; vainement. Tout nous est apparu encore plus miteux et pas assez motivant pour justifier l’épuisement d’un déménagement. Après tout, notre logis présente un avantage fabuleux dont aucun autre ne peut se targuer : nous y sommes douillettement déjà installés.

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Crois-tu donc que je sois comme le vent d’automne,
Qui se nourrit de pleurs jusque sur un tombeau,
Et pour qui la douleur n’est qu’une goutte d’eau ?
[…]
Laisse-la s’élargir, cette sainte blessure
Que les noirs séraphins t’ont faite au fond du coeur ;
Rien ne nous rend si grands qu’une grande douleur,
[…]
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots.
Lorsque le pélican, lassé d’un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s’abattre sur les eaux.
[…]
Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte ;
En vain il a des mers fouillé la profondeur ;
L’Océan était vide et la plage déserte ;
Pour toute nourriture il apporte son coeur.
Sombre et silencieux, étendu sur la pierre,
Partageant à ses fils ses entrailles de père,
Dans son amour sublime il berce sa douleur,
Et, regardant couler sa sanglante mamelle,
Sur son festin de mort il s’affaisse et chancelle,
[…]
Fatigué de mourir dans un trop long supplice,
Il craint que ses enfants ne le laissent vivant ;
Alors il se soulève, ouvre son aile au vent,
Et, se frappant le coeur avec un cri sauvage,
Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu,
Que les oiseaux des mers désertent le rivage,
[…]

Alfred de Musset

Un poème-récit d’une étrange et pénétrante beauté, et qui me fait immanquablement frémir…

Notre société est-elle castratrice pour les hommes ?

Chose certaine, il n’est pas rassurant de savoir que parmi les jeunes de 18 ans sans emploi, 39 % des garçons et 25 % des filles n’ont pas de diplôme. Le décrochage est ainsi beaucoup plus présent chez les garçons (41 % contre 29 % pour les filles). Cet écart est grandissant depuis les années 1980. Et les filles sont maintenant majoritaires à fréquenter l’université.

Quand je pense à M, je ne peux m’empêcher de constater que les statistiques, on les vit aussi au quotidien…

Les enseignants sont-ils en trop grand nombre des enseignantes ? Cet état de fait ne me semble pas nouveau ; il est plutôt généralisé et universel. Les manuels scolaires s’adressent-ils trop aux filles ? Il me semble qu’ils regorgent de problèmes de rondelles de hockey et de balles de baseball.

Où est le problème alors ? Le système scolaire a sûrement une lacune qui répond inadéquatement aux besoins masculins. On peut aussi avancer l’idée que les mouvements féministes (qui ont été très intenses et efficaces ici depuis quelques décennies), au lieu de simplement mener à une égalité hommes-femmes, aurait en fait écrasé et dévalorisé les hommes, et les aurait diabolisés plus que nécessaire. De là à parler de perte d’identité… il n’y a qu’un pas.

Il m’a en effet semblé qu’en France, la donne n’est pas la même. Les garçons ont davantage leur place et davantage de personnalité. Ils réussissent mieux à l’école, se rendent plus loin en plus grand nombre. Il y a aussi plus de machisme en France, et je ne dis pas que c’est préférable…

Le Dr Thierry Daboval, dans l’Actualité Médicale, va même jusqu’à dire qu’il vaut mieux naître femme de nos jours. C’est triste. Espérons que les hommes retrouveront bientôt une voix (et une voie) qui leur soit propre.

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S’il n’existait qu’une seule vérité, on ne pourrait peindre des centaines de tableaux sur un même sujet. (Pablo Picasso)

L’art est, comme la prière, une main tendue dans l’obscurité, qui veut saisir une part de grâce pour se muer en une main qui donne. (Franz Kafka)

Pour avoir du talent, il faut être convaincu qu’on en possède. (Gustave Flaubert)