Le rhume des foins, cette délicieuse allergie, est un fléau contemporain qui vient nouvellement de s’abattre sur moi. Je compatis avec tous ceux qui en souffrent aussi ; il est bien pénible de ne pas pouvoir respirer librement… simplement parce que l’organisme choisit d’élaborer une réaction immunitaire bien excessive contre un banal stimulus de son environnement (en ce moment, l’herbe à poux).

Est-ce à mettre au compte de nos sociétés aseptisées et bactéricides à outrance ?

Apparemment, c’est le même genre de phénomène qui pourrait se cacher derrière l’eczéma, l’asthme, la sclérose en plaque, la maladie de Crohn, voire la fibromyalgie. Décidément, l’homme se rend bien malade tout seul…

Extrait de *Précis de décomposition *(Cioran)

Le philosophe, revenu des sytèmes et des superstitions, mais persévérant encore sur les chemins du monde, devrait imiter le pyrrhonisme de trottoir dont fait montre la créature la moins dogmatique : la fille publique. Détachée de tout et ouverte à tout ; épousant l’humeur et les idées du client ; changeant de ton et de visage à chaque occasion ; prête à être triste ou gaie, étant indifférente ; prodiguant les soupirs par souci commercial ; portant sur les ébats de son voisin superposé et sincère un regard éclairé et faux, - elle propose à l’esprit un modèle de comportement qui rivalise avec celui des sages. Être sans convictions à l’égard des hommes et de soi-même, tel est le haut enseignement de la prostitution, académie ambulante de lucidité, en marge de la société comme la philosophie. “Tout ce que je sais je l’ai appris à l’école des filles”, devrait s’écrier le penseur qui accepte tout et refuse tout, quand, à leur exemple, il s’est spécialisé dans le sourire fatigué, quand les hommes ne sont pour lui que des clients, et les trottoirs du monde le marché où il vend son amertume, comme ses compagnes, leur corps.

J’ai gardé hier soir la petite Nina, qui doit maintenant avoir un an. J’ai l’impression que “l’angoisse de séparation” des 8 mois commence enfin à s’estomper chez elle, puisque j’ai eu droit à une crise bien moins longue que la dernière fois. Nous avons regardé Winnie l’ourson ensemble. J’aime bien retomber en enfance de la sorte, une fois de temps en temps, au fil et au hasard des gardes. Et comme elle était adorable à regarder boire son biberon dans mes bras, avec ses petites mains qui se promenaient dans les airs, dans ses cheveux…

La maman de Nina est réalisatrice de dessins animés pour enfants, et donc un peu artiste aussi. Vous devriez voir comme c’est joliment décoré, chez eux. C’est un véritable délice que d’aller y garder, et de se balader dans leur quartier animé et sympathique.

Garder des enfants représente pour moi bien plus qu’un petit revenu d’appoint (bien minime d’ailleurs). J’ai pensé qu’il était important pour un futur médecin d’être à l’aise avec les enfants. En fait, je pourrais presque le faire bénévolement. [Certes, j’ai bien essayé le bénévolat à l’hôpital pour enfants malades, mais ça fait du bien de changer de milieu de temps à autre.]

Le hasard m’a ainsi fait pénétrer le cercle des Français immigrés ici. Ils viennent de Paris, d’Angers, de Corse ou du Sud, ils ont un jeune enfant, et ils sont plus ou moins contents d’être là. Les parents de Nina, eux, sont “encore sous le charme”, de leurs propres mots. Ça fait plaisir de voir que certains se trouvent contents de leur sort et heureux ici. J’espère qu’Hoëdic pourra aussi, à son tour, s’y sentir chez lui.

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Les enfants sont sans passé et c’est tout le mystère de l’innocence magique de leur sourire. (Milan Kundera)

Naître, c’est à la portée de tout le monde ! Mais il faut devenir ensuite ! Devenir ! (Daniel Pennac)

Nous passons les douze premiers mois à apprendre à nos enfants à marcher et parler et les douze suivants à s’asseoir et se taire. (Phyllis Diller)

*Par les hivers anciens, quand nous portions la robe,
Tout petits, frais, rosés, tapageurs et joufflus,
Avec nos grands albums, hélas! que l’on n’a plus,
Comme on croyait déjà posséder tout le globe! *

*Assis en rond, le soir, au coin du feu, par groupes,
Image sur image, ainsi combien joyeux
Nous feuilletions, voyant, la gloire dans les yeux,
Passer de beaux dragons qui chevauchaient en troupes! *

[…]

Émile Nelligan

Un tout jeune poète, fierté d’ici, happé par la folie…