La voie humaine

par Hoedic

Lecture: ~4 minutes

Je viens de terminer la lecture de La voie humaine de Jacques Attali et ça me laisse pas mal perplexe. Si la première partie m’a vraiment passionné, la seconde m’a laissé pas mal plus perplexe… Pour ceux qui le ne connaissent pas, Jacques Attali est un ancien conseiller de François Mitterand ce qui en soit ne joue pas en sa faveur à mes yeux, toutefois nous l’avions vu en conférence à l’occasion de l’UNM et ce qu’il disait était assez étonnant.

Image

La voie humaine, Jacques Attali

La question de fond du livre est de savoir s’il reste encore une place pour la gauche en politique et si un autre modèle que le capitalisme actuel est possible. Dès le début le modèle présenté est celui de la voie humaine qui met au centre l’homme et le besoin de bon temps, du temps qui n’est pas aliéné par le travail ou par des actes de pure consommation.

La partie la plus intéressante est sa vision du monde tel qu’il se présente, l’actuel passage d’une démocratie de marché à une société de marché et l’avénement prochain de la société de marchandises où tout ne sera que marchandise, temps et humains compris.

Il présente également un concept qui vaut le détour : le totalitarisme éthique en l’action des groupes s’opposant à cette société de marchandises par tous les moyens :

D'aucuns plaideront ainsi l'urgence d'une dictature écologique, ne serait-ce que pour imposer la frugalité énergétique. D'autres, révoltés pêle-mêle par la prolifération des drogues, la dislocation des familles, la remise en cause des morales traditionnelles, la libération des femmes, le mariage homosexuel, proclameront la suprématie des valeurs d'une foi sur les "nouveaux" droits de la personne

En résulterait la troisième guerre mondiale, une guerre n’opposant pas des pays mais société de marchandise et totalitarismes éthiques de tous poils avec une démocratie faiblissante au milieu. Bien que surprenant au début cette guerre fait sens : les manifestations contre l’OMC et autres, les extrêmistes religieux d’ici ou de là-bas, le radicalisme écologique de certains, on est en droit de se demander comment tout ceci va évoluer avec des disparités grandissantes.

La seconde moitié du livre présente la voie humaine, une utopie mettant au centre le bon temps qu’Attali oppose à la recherche de distraction des sociétés occidentales, caractérisées par une industrie du diverstissement qui nous invite avant-tout à être spectateurs et à vivre par procuration au travers de vraies ou de fausses stars.

Cette nouvelles utopie repose sur une société de la gratuité (de ce qui est nécessaire à la vie), du savoir et de la responsabilité. La démonstration de ce qu’est cette utopie et de ce qu’il faudrait mettre en place pour en prendre le chemin me laisse un peu perplexe bien que certaines idées soient pertinentes.

Mais, quelque soit la justesse et la faisabilité de ses arguments, il n’en reste pas moins qu’il est de plus en plus nécessaire de construire un projet de société. Une frange importante de la population occidentale est désormais consciente qu’il est nécessaire de trouver autre chose que le chemin actuel. Mais en même temps nous voulons tous défendre notre bout de pré carré, moi le premier (cf. ma relation avec l’argent).

Chose plus étonnante, l’idée même d’être de gauche a presque disparu en Amérique du nord. L’insulte suprême contre Kerry pendant la présidentielle fut de dire qu’il était de gauche, socialiste, comprendre staliniste. Plus récemment alors que je parlais de ce livre, un ami de Polytechnique qui est très critique à l’égard du capitalisme a réagi vivement quand j’ai dit “être de gauche”.

Le Québec, postulant au statut de état-nation, surement l’endroit d’Amérique de nord le plus progressiste et “de gauche” devrait être capable de proposer un projet de société viable. C’est à mes yeux le seul moyen pour les souverainistes d’arriver à leur fin… mais rien ne sort du Parti Québécois, trop occupé par ses querelles intestines.

Bien que ce bouquin laisse un étrange goût en bouche, un goût d’irréalisable, il n’en reste pas moins que c’est le rôle de personnes comme Attali de proposer des réflexions de ce type, une autre voie qui n’est pas seulement une société de marché light mais bien un projet de société viable avec de nouveaux points de vue.

Carnets de voyage: immigration et exceptionnalisme américain

Un séjour à Washington DC et les pensées qui en découle La suite

Gunnm vs Alita

Publié le 31 mars 2019

Quarante cycles solaires

Publié le 18 mai 2018