Gestes de tendresse

Hier soir la routine d’Arthur fut particulièrement agréable. Il suivait attentivement les histoires en me jetant de temps à autres un regard complice. Pendant les chansons, je me suis amusé à lui prendre un de ses avant-bras et à faire que ce membre hors de son contrôle “tape” aussi bien lui que moi. Belle scène de jeu.

Ce matin, notre second-né s’est réveillé à son habituel 6h15. Nous l’avons pris et mis dans le lit entre nous deux, comme souvent dans ce genre de cas, en lui tournant le dos pour l’inviter à rester calme et non à jouer. Et comme souvent, il nous a carressé le dos, sa manière à lui de nous dire qu’il est temps de se lever. Le tout s’est terminé quelques minutes plus tard par un gros câlin général et tout le monde s’est levé dans la bonne humeur.

Feuille

Pause. Hier fut une journée productive, aujourd’hui non. Je sors sur le balcon du chalet que nous louons pour la semaine. Travailler pendant que les autres sont au cinéma.

Sous mon regard, du vert à perte de vue. J’essaie de me sortir de l’esprit les problèmes techniques qui me bloquent: variables, configuration, templates. Combien? Des milliers? Des millions? Peut-être des milliards de feuilles que je peux toucher du regard: pissenlits, fougères, arbustes, arbres, dans l’étang, sur le sol, à flanc de montagne; autant d’usines perfectionnées répliquant toutes le même modèle de production. Sans variable ni configuration.

La pause est terminée.

C’était il y a précisément 5 ans, minute pour minute: nous accueillions un nouveau membre dans notre petite famille et nous entamions aussi une des périodes les plus intensément difficiles de notre vie de couple et ainsi, de notre vie familiale.

Les yeux d'arthur

Orford - 23 juin 2013

Voilà un peu plus de deux ans de cela, j’écrivais qu’Arthur entrait dans la période de son premier souvenir. Arrivé à 5 ans, il est probable que ce premier souvenir soit désormais constitué. Était-ce notre dernier voyage au Mexique? Un incident? Un moment heureux? Personnellement mes premiers souvenirs sont pas mal liés à des voyages mais ça pourrait être autre chose: fête d’anniversaire, moment marquant avec nous ou à la garderie, etc.

Toujours il y a deux ans, nous tombions de nouveau dans une période difficile avec Arthur. L’arrivée de son petit frère fut assez dévastatrice pour sa sensibilité naturelle avec pour résultat une tendance très portée sur l’opposition, les crises et même les coups.

Ça nous a bien pris un an pour comprendre ce qui se passait, et encore quelques mois an pour changer de direction. Nous ne sommes pas au bout de nos peines mais la situation s’est très nettement améliorée.

5 ans sera une étape importante pour Arthur. Lui qui a toujours désiré ne pas grandir, rester petit, va perdre plusieurs de ses privilèges de petit enfant, certains qu’il aurait possiblement dû abandonner il y a fort longtemps déjà. Ceci ira de paire avec l’entrée à l’école, autre rite de passage s’il en est un, et tous les changements organisationnels que cela va entrainer. Cela va également correspondre à une période de travail nettement plus intense pour Caroline, la rendant ainsi moins disponible; un autre défi en vue pour notre Œdipe domestique.

Possiblement que l’approche de ses changements se fait sentir sur son humeur puisque les derniers jours sont plus tendus qu’à l’habitude. Retour des rictus de colère, tendance à vouloir s’enfermer devant la télé, refus réguliers d’écouter des consignes simples, surtout celles en lien avec la sécurité. Bref, le petit garçon n’a pas perdu son caractère trempé et son humeur à vif.

Ça va paraître cliché mais dans cette tête couverte de cheveux de paille, on sent une extrême sensibilité dont il ne sait que faire et qui bien souvent devient incontrôlable. Nous avons désormais un “groupe témoin” (le petit frère), et il est toujours impressionnant de voir combien les débordements irrépressibles de l’un n’ont d’équivalent que les dérapages tout à fait controlés de l’autre.

Pour la petite histoire, son anniversaire sera fêté avec un jour de retard. Les parents ingrats que nous sommes avaient oublié les cadeaux en partant pour le chalet que nous avons loué. Moralité, il faudra attendre demain et l’arrivée salvatrice de Grand-Maman pour avoir cadeaux et gâteau.

Jardin d'été

Mes mains sentent la ciboulette l’origan et la fraise.
Mes pieds sont couleur terre.
Mon jardin est en ordre.

Abduction, ou du licenciement sur-le-champ

Hier j’apprenais qu’un de mes anciens collègues et ami a été renvoyé et prié de quitter sur-le-champ. Où est le respect de l’homme là-dedans? Les ressources humaines pensent-elles vraiment qu’en faisant disparaître les indésirables –quelqu’en soit la raison, tout le monde s’en portera mieux? Le silence pèse plus que les éventuelles diatribes auxquelles une personne remerciée pourrait s’adonner. Tout comme cette tasse à l’effigie de Cape Code, restée à moitié entamée pendant une semaine sur un bureau voisin en disait bien plus long et a bien plus scandalisé les “survivants” que tout ce qu’aurait pu dire sa propriétaire, disparue un matin de janvier quelque part autour de 9h30.

Le système économique est basé sur la confiance des acteurs. Sans confiance, sans la certitude d’une réciprocité (je travaille, tu me paies) garantie par un système, tout contract devient caduque. Comment des entreprises peuvent espérer confiance, et donc engagement, quand la seule stratégie qui leur vient à l’esprit pour licencier du monde, c’est l’abduction.

Or, parce que la nature de notre nation portugaise nous veut très jaloux de nos opinions, il y eut entre nous huit une telle divergence, une telle incompatibilité de points de vue – là où ce qui importait d’abord était de montrer beaucoup de paix et de concorde – que nous fûmes à deux doigts de nous entre-tuer.

Fernao Mendes Pinto. Pérégrination. (traduction de Robert Viale, 1983)