Arbre des hasards

20 août 2013

Parler de nos 14 ans ensemble, en plus d’une discussion avec ma mère, m’a amené à réfléchir aux hasards et aux choix qui m’ont amené où je suis en ce moment. J’ai donc décidé de retracer les événements majeurs qui ont permis à ce couple que nous sommes d’exister.


Avril 1996: Je sors enfin avec une fille que j’aime depuis des années. Le bac arrive à grand pas, j’envisage de m’orienter en astrophysique. Mon prof de math de l’époque, que j’adorais, me dit au hasard d’une rencontre de fin d’année qu’il me verrait bien aux Arts et Métiers: mon sens mathématique appliqué serait un peu juste pour une orientation purement théorique, mais dans les domaines plus appliqué, je pourrais bien marcher.

Mai 1996: Je postule pour des classes prépa, notamment pour l’ENSAM. Je suis également retenu pour une entrevue pour entrer à l’ICAM, à deux pas de chez moi. Durant la rencontre, le directeur de l’école me demande ce que je pense du C (Catholique) dans ICAM. À la question sur la signification du C (Catholique) dans ICAM, je choisis de répondre que les jésuites sont réputés pour leur ouverture et leur rigueur intellectuelle. Cela me faudra d’être refusé. Peut-être que ma rengaine sur la nécessité d’avoir Internet dans leur école n’a pas aidé non plus.

Juin 1996: Par hasard, et par le biais des désistements, je finis par être accepté à l’ICAM. Je suis également accepté dans les classes prépas où je me suis présenté. Lorsque vient le temps de décider quelle voie prendre, je choisis de suivre le conseil de mon prof de math, tout en sélectionnant l’option la plus tranquille (la prépa intégrée) et aussi la plus proche de chez moi.

Juillet 1996: J’ai mon bac. Ceci n’a aucun effet démontré sur la suite des événements.

Septembre 1996: Je suis parmi les premiers arrivés à la résidence étudiante pour le bizutage. Étant “externe”, je dois être hébergé dans la chambre d’un résident. Le hasard veut que je me lie d’amitié avec Christophe, lui aussi arrivé dans les premiers.

Avril 1997: Pour raisons familiales, je choisis de m’installer dans la résidence étudiante, dans la piaule juste à coté de Christophe.

Octobre 1997: Par hasard, Christophe me donne à lire la trilogie de fourmis. Je choisis de le lire alors qu’à l’époque j’étais principalement occupé par d’autres activités fort peu intellectuelles, comme jouer à Subspace sur Internet.

Toujours en octobre 1997: Christophe et moi allons à une de nos fameuses soirées 2 films sinon rien au Gaumont Atlantis (aussi connu sous “deux films pour le prix d’un”). En attendant de se trouver un deuxième film, le hasard veut que des ordinateurs connectés à Internet soient mis à disposition (alors qu’à l’époque je me connectais en 56k…). Toujours par le fruit d’un certain hasard, nous cherchons des ressources en ligne à propose de la trilogie des fourmis. Nous tombons alors sur un site dédié (à l’époque hébergé par la défunte Mygale.

Toujours en octobre 1997: De retour à la chambre, je choisis de continuer l’investigation sur ce site, le hasard des liens m’amenant sur le canal IRC #fourmis (dont il ne reste plus grand-chose) où je me dépêche de me faire des ennemis en insultant les habitués des lieux. S’ensuivra des nombreuses heures d’échanges, notamment avec une certaine ebb_tide.

Fast forward - Mars 1999: Ebb_tide annonce qu’elle veut faire un voyage en France et elle souhaiterait savoir si ses contacts IRC accepterait de l’héberger en différents endroits en France. Je choisis de lui proposer de venir faire un tour dans l’ouest de la France (tout en pensant qu’il n’y a définitivement rien à y voir.)

Mai 1999: Le hasard veut qu’une éclipse totale de soleil soit prévue pendant que ebb_tide est à son étape finale à Paris. Le hasard (et la volonté du groupe) conclue que tous les membres de #fourmis qui le souhaitent se donnent rendez-vous à Fécamp pour l’éclipse. Je choisis d’y participer.

Août 1999: Je choisis de rester à Paris avec le groupe (gentiment hébergés par une membre du groupe qui a un appartement où nous sommes à l’étroit). Je choisis de profiter d’une nuit pour embrasser ebb_tide.

La suite est surtout une histoire de choix.


Ces alternances de hasards et de choix bâtissent un arbre dont une seule ramification a été explorée. Les autres, sont des possibles avortés dans lesquels j’aurais pu être riche, célèbre, mort ou simplement où j’aurais vécu la même vie, mais à Nantes ou à Paris.

Éclipse

Fécamp, 11 août 1999

Il y a 14 ans, il y a eu une éclipse totale de soleil à Fécamp et nous l’avons photographié avec un des premiers appareils photo numériques. Il prenait des photos en 640x480, soit même pas un 1Mpixel.

Il y a 14 ans, nous échangions sur IRC, Mark Zuckerberg avait 15 ans, MySpace allait naître dans 4 ans.

Il y a 14 ans, mon nickname sur Internet était Flying Sausage, et à l’époque Internet c’était 248 millions d’utilisateurs (contre environ 50 millions lorsque j’ai commencé en 1996 et plus de 2,7 milliards aujourd’hui)

Il y a 14 ans, j’étais bien loin de penser que j’allais m’installer au Canada. Cela fait maintenant 10 ans (bientôt 11) que j’y suis.


Les choses technologiques ont bien changé en 14 ans, mais en ce 15 août 1999, quand nous nous sommes embrassés, bien que nos chez-nous étaient séparés par un océan, je sentais que quelque chose de pas ordinaire se produisait et j’espérais qu’une belle et longue histoire en découlerait. Mon voeu de l’époque fut exhaucé encore mieux que je ne pouvais l’imaginer alors.

Plongeon

Montréal, 10 juillet 2013

Tôt le matin, après le petit-déjeuner, les parents de Schmélele partent travailler.
Leurs journées sont longues et fatigantes.
À cause de leur travail qui est de plus en plus difficile.
Plus leur travail est difficile, plus ils rétrécissent.
Chaque jour, ils deviennent plus petits.
Et leurs journées deviennent encore plus longues et fatigantes.
Et ils rétrécissent encore plus.
Ils rétrécissent tellement qu’un soir Schmélele ne les voit plus.
Ils ont disparu.

Liseuse numérique

Voilà un bon deux ans que je contemplais l’idée d’acheter une liseuse numérique. Comme souvent, j’ai longuement attendu avant de passer à l’acte. Finalement mon anniversaire m’a fourni une bonne occasion et je suis désormais le possesseur d’un Kobo Glo.

Cette machine correspondait à mon besoin: simple, petit (à peine plus grand qu’un livre de poche), écran noir et blanc rétro-éclairé et connexion wifi mais non 3G. Le Kobo intègre également des fonctions de surlignage, de prise de notes et de dictionnaire. Enfin le Kobo accepte une large gamme de format et à l’aide de Calibre et de certaines extensions, il est possible de lire des livres électroniques de toutes sortes de sources, y compris venant d’Amazon et autres sources DRMisés. Pour tester la bête, j’ai acheté Who owns the future de Jaron Lanier et j’ai mis dessus The Race Against the Machine de Brynjolfsson et McAfee acheté sur Amazon il y a quelques temps et que je souhaite relire en parallèle du livre de Lanier (sur lequel je reviendrai en détail)

Points positifs

  • Effectivement l’encre électronique se lit bien quoique pas aussi contrastée que je l’aurais souhaité.
  • La machine est plus légère que la majorité des livres physiques que j’ai l’occasion de lire et la coque en plastique noir mat est facile à tenir.
  • La liseuse tient facilement dans une main et rentre dans la plupart de mes poches de pantalon.
  • Il est facile de tourner les pages.
  • Plus besoin de marque-page (un problème récurrent pour moi).
  • Les options de surlignages et de prise de notes sont un immense gain pour moi. J’ai souvent envie de souligner un passage ou de mettre un commentaire, mais j’ai horreur de marquer un livre. Par ailleurs, je n’ai jamais de quoi prendre de note à portée de main, donc historiquement je me contentais de mettre des post-it aux endroits clés, mais j’oubliais souvent le contexte lorsque je revenais dessus. La prise de note est un peu laborieuse (petit clavier, rafraichissement de l’écran insuffisant), mais ça incite à rester concis et à se concentrer sur la lecture.
  • Le dictionnaire est également un grand plus. Je lis beaucoup de livres en anglais mais il me manque souvent du vocabulaire. Avec des livres papiers, je manque souvent de volonté et me contente de supposer la signification d’un mot, manquant ainsi l’occasion d’améliorer mon vocabulaire en finesse. Il m’est désormais possible d’en avoir la définition complète ou plus simplement la traduction directe au bout du doigt.
  • Le rétro-éclairage est très bon, juste assez pour lire agréablement mais sans créer de fatigue comme un écran classique. Là encore, gros progrès pour moi car la plupart des endroits où j’aime lire dans la maison sont mal éclairés.
  • Enfin une liseuse semble plus robuste qu’un livre. Comme je traine souvent mes livres avec moi, j’ai une forte tendance à les écorner, ce qui m’horripile au plus haut point. Le Glo possède une coque en plastique visiblement peu fragile et j’ai donc assez peu de scrupule à le trainer avec moi en toute occasion. Le temps dira s’il est vraiment solide.

Limitations

La seule critique que j’aurais à faire qui semble s’appliquer spécifiquement à ce produit (et à la gamme Kobo en générale), c’est le compagnon pour Mac (et c’est surement la même chose pour PC) livré avec la liseuse: une vraie merde évidemment faite pour nous emprisonner autant que possible dans leur “book store”. Calibre est nettement moins beau mais beaucoup plus orienté vers une gestion de bibliothèque multi-sources.

Pour le reste, je suis porté à croire que ce sont des limitations partagées par l’ensemble des liseuses électroniques.

Premièrement, le rafraichissement de l’écran un encore lent. Cela pose des problèmes pour prendre des notes, mais aussi pour tourner rapidement les pages.

Personnellement, je suis un adepte d’une sorte de lecture rapide, notamment pour améliorer la compréhension et la rétention des idées: feuilleter le livre avant de le lire pour en comprendre la structure d’ensemble et faire de même après l’avoir lu pour reprendre les notes de lecture et synthétiser mentalement les idées importantes du livre. Ceci est très difficile à faire avec une liseuse. Parcourir un livre en feuillant les pages, revenir en arrière, sauter des sections, etc. se fait mal, notamment à cause à du rafraichissement trop lent et de l’aspect trop limitatif du “tournage de page”. Le logiciel de lecture de Kobo est bien fait et propose un slider pour se déplacer rapidement dans le livre, mais c’est sans commune mesure avec un feuilletage de livre.

Je me repère également beaucoup par rapport à la géographie d’un livre: où étaient certains éléments, quelle épaisseur du livre j’ai parcouru, etc. Avec une liseuse je perds le coté spatial du livre et ça… me perd. Au moins des numéros de pages sont affichés (lors d’un essaie de Kindle il y a quelques années, l’absence des numéros de pages m’avait frustré au plus haut point) mais l’absence de substance dans mes mains, cette connaissance intuitive que j’avais du livre physique me manque.

Pour ne pas faciliter les choses, la table des matières générée par l’outil perd trop la structure des livres fortement organisés. Une meilleure prise en compte des niveaux de titres et un mécanisme d’affichage en accordéon permettrait une meilleure navigation dans les livres proposant un découpage bien réfléchi.

L’un dans l’autre je pense que je vais continuer avec la liseuse pour les livres que j’ai l’occasion de pouvoir trouver et acheter/télécharger en ligne (je n’ai pas encore commencé à regarder du coté du projet Gutemberg). J’ai le sentiment qu’avec le temps, je vais réussir à combler certains des manques, surtout par une utilisation plus rigoureuse des notes et du surlignage. Enfin à cause des limitations encore flagrantes des productions littéraires en format numérique, surtout en français, je suppose que j’aurais encore de nombreuses occasion de lire sur papier, sans oublier de bien beaux magazines.

plonger

Parents (adultes en général) et enfants vivent dans des sphères différentes. En tant que parents, nous essayons de rentrer dans la sphère des enfants, pour les aider, mais bien souvent sans succès apparent.

Depuis des temps immémoriaux, Arthur ne voulait pas sauter dans l’eau. Même mettre le visage dans l’eau provoquait toutes sortes de réactions négatives. Le fait de me mettre à la réception des sauts n’y faisait rien pas plus que mes démonstrations, volontairement approximatives. Plusieurs sessions de cours de natation n’ont guère changé la situation.

Et puis il a suffit de quelques parties de jeu avec des amis de son âge pour que soudainement il se mette à nager tête sous l’eau et qu’il saute à tout va.

C’est à celui qui est dans sa sphère de décider quand il en sort pour la faire croître. Celui qui essaie d’y pénétrer ne peut guère être considéré autrement que comme un oppresseur.