Contrastes

Le Mont-Royal est à son meilleur, non pas en plein été dans l’uniformité du vert et du bleu mais à l’automne, par temps venteux et changeant, où gris et bleu font tour à tour briller vert, orange et brun. Le contraste de la luminosité et des couleurs plait naturellement à l’oeil et à l’esprit, le sombre donne la profondeur au clair, la lumière découpe l’ombre.

La vie est pareillement faite d’éclaircies et de nuages, les uns réhaussant les autres. Pourtant contrairement aux images, l’esprit -ou le mien en particulier- ne semble pas se faire à l’idée de la valeur transitoire de chaque instant. Une contrariété semble rayer même la possibilité d’une éclaircie tandis qu’un succès laisse croire en une sorte d’invincibilité éternelle vouée à être prochainement déçue.

Comment percevoir la beauté du contraste dans notre vie de tous les jours; s’y arrêter comme devant un tableau et le contempler pour ce qu’il est à cet instant précis. Comment voir l’ensemble du tableau fait de reliefs, de contours et de contrastes?

Le temps est une réalité bizarre. Compté objectivement avec une montre, rien ne ressemble moins à une minute qu’une autre minute. Mes lectures récentes m’ont beaucoup fait réfléchir à la perception du temps. Mais aujourd’hui je vais rester très simple, très mathématique: où passent nos heures?

Voici une estimation très grossière de nos journées:

  • Sommeil: 8 heures - je jalouse ceux qui se contentent de 5h par nuit. Pour nous, en-deça de 8 heures, c’est l’implosion.
  • Travail: 8 heures - un minimum pour beaucoup de monde. En incluant les pauses et autres dépassements, c’est souvent plus.
  • Déplacements: 1,5 heures - En incluant les trajets pour déposer les enfants. La matin, ça me prend 1 heure pour faire la boucle.
  • Bouffe: 2 heures - J’inclus là le fait de se faire à manger et de manger; matin, midi et soir. Bien manger, préparer sa propre pitance, ça prend du temps!
  • Enfants: 3 heures - Ceci inclu les jeux, les discussions, les douches, les histoires et autres activités en vue du coucher. Si on fait des enfants, c’est quand même pour passer un peu de temps avec eux.
  • Hygiène personnelle: 0,5 heures - Il faut bien se laver et se brosser les temps, parmi d’autres choses.
  • Activités ménagères: Pas grand chose - ranger un peu la maison, s’occuper des affaires courantes.
  • Lecture/nouvelles: 0,5: Il faut bien s’informer un peu (même si j’essaie de plus en plus d’éviter les “nouvelles”).

Et voilà. Nos 24 heures quotidiennes sont épuisées. Avec ça, pas d’activité sociale, pas de sport, pas de temps discrétionnaire.

Pourtant, si l’on en croit les experts qui expertisent, il faut du temps pour faire du sport, pour avoir des relations humaines, pour méditer, pour prendre du bon temps, etc… quotidiennement ou presque.

Je me sens presque con de défoncer ainsi des portes ouvertes par l’infinité d’autres personnes ayant vécu la même chose. Et encore! L’école et la garderie sont proches, nous ne sommes pas mono-parentaux, nous sommes dans une société qui essaie d’être accomodante avec les parents, etc. Bref, nous n’avons pas de “facteur empirant”.

Par la mère apprenant que son fils est guéri
Par l’oiseau rappelant l’oiseau tombé du nid
Par l’herbe qui a soif et recueille l’ondée
Par le baiser perdu par l’amour redonné

Georges Brassens, La prière.

Des brins d’herbe de plusieurs mètres
Lumière du levant libre d’obstacle
Les rais persent le fuselage de part en part
Projetant au loin une ombre creusée

La rivière des Outaouais et ses affluents
Comme des incendies de forêt matinaux
Exhalent la chaleur de la veille en une vapeur
Mollement balayée par une brise paresseuse

Dans les champs, relief terrestre émergé
Du soleil affleurant naissent des nuances de gris
Papier froissé parmi les sillons cultivés
Ou douce butte érodée par le temps et la pluie

Fortuné les conquérants des cieux l’ayant découvert
Ce spectable est ignoré par les contemporains

Clairière, éclaircie

Signe des temps, la piscine Laurier a vécu aujourd’hui sa dernière journée d’ouverture de la saison. Nombre de transitions nous attendent cette semaine: Caroline débute officiellement sa dernière année de résidence (synonyme d’un an de travail intense en vue des examens finaux) demain avec un stage passablement éloigné. Axel passe de l’accueillante et tendre pouponnière à un groupe de garderie régulier. Mamie nous quitte après 6 semaines passées avec nous.

Enfin, mercredi sera la grande rentrée à l’école pour Arthur. Non pas que je sois nostalgique de la garderie qui dans notre cas s’est soldée par une organisation boiteuse où il était partagé entre deux groupes suite à plusieurs mois d’incompatibilité d’humeur avec l’éducatrice qui s’occupait de son groupe original 3 jours par semaine.

Toutefois, l’école vient avec son lot d’interrogations. Outre les questions organisationnelles hautement ridicules comme la journée de classe s’étalant de 8h à 14h12, il nous est difficile de ne pas craindre ce nouvel environnement pour lui et son tempérament bouillant. J’aimerais me consoler ou faire preuve de philosophie, mais pour l’heure il ne nous est pas possible de faire grand-chose hormis de lui faire confiance pour trouver son chemin.

Couloir

10 juillet 2013

Les frasques de Steve Jobs et plus encore le traitement qu’on lui réserve en font un véritable héros postmoderne (ou hypermoderne?) dont la trajectoire remplacerait presque les grands récits, autant réligieux que ceux des Lumières.

Tout cela au service de la vente d’ordinateurs et de téléphones cellulaires.

[…] on peut repérer un tout nouvel aspect de la société de consommation d’aujourd’hui: ce qui est consommé ce n’est pas “tel film” ou “tel objet” mais le système qui est censé se cacher derrière lui. Or, comme il n’est pas possible de vendre le système lui-même, on fait consommer une histoire ou un objet en les montrant comme des parties de ce système.

De la consommation des récits de Eiji Otsuka,
cité dans Génération Otaku, les enfants de la postmodernité de Hiroki Azuma

The theory is that Jobs saw gurus in India, focal points of love and respect, surrounded by devotees, and his similarly thought, “I want that job!””

Who owns the future de Jaron Lanier